Voici la fin.
Fin du voyage, fin de la piste. Une fois encore, l'objet de ma quête a disparu, de même que ses acolytes. Une fois encore, je me retrouve sans réponses, à demeurer un homme au faux nom, au passé oublié.
Qui suis-je ? Cette question revient sans cesse. Non, je ne suis pas Allan Philip Harmore. Je ne suis qu'une lettre grecque dans un sanctuaire. Une lettre sans signification dans ce bas monde.
Alors que me reste-t-il vraiment ? Seulement des questions qui nécessitent des réponses. Des réponses cachées, ou impossibles à dénicher. Des énigmes à résoudre ne trouvant aucune solution.
Cette lettre, lentement, s'étiole, se voile sous le couvert de l'anonymat. Je n'étais qu'un pseudonyme fugace qui n'a pas trouvé ce qu'il cherchait.
Alors, quel est mon but ? Que dois-je vraiment faire ? Je reste dans le trouble, j'ignore ce qu'il adviendra de mes prochains pas, de la prochaine étape de ma vie.
Une vie. Je ne sais pas si je vis, en fin de compte, car je n'existe pas vraiment. Mon identité a été dérobée de ma mémoire, ne me laissant qu'un nom d'emprunt.
Que faire ? Vivre une nouvelle vie ? S'acharner à retrouver mon passé ? Reprendre le cours de mon destin, comme si de rien n'était ? Le flou m'envahit à nouveau, le doute s'empare de moi. Je revois alors les visages de ceux qui ont marqué mon chemin vers une vérité qui se joue de moi. Elle, toujours elle, amante et ennemie, disparaissant dans les flammes. Je regarde en arrière, vers ce court passé. J'y vois alors beaucoup de points noirs, des déceptions comme s'il en pleuvait. Et pourtant, parmi ce maelström déprimant ressortent ces moments merveilleux, trop rares. Et ces moments de gloire, ces fans scandant son nom. Et ce titre, ce fameux titre obtenu au prix du sang et de la sueur. Titre appartenant à un lointain passé, volontairement oublié par le sanctuaire.
Retour à la case départ. Sac en main, je rejoins mon bolide, dépose mes affaires sur le siège arrière. Installé sur le siège conducteur, un long soupir de dépit s'achappe. Je repense une dernière fois au gâchis qu'a représenté ce cours passage au sanctuaire. Une fois encore.
Alors que j'allais mettre le contact, mon téléphone portable sonne. Cela fait bien longtemps qu'il n'avait plus donné signe de vie. J'ouvre le clapet, regarde l'écran. "Numéro inconnu". Je décroche.
- "Salut, old man. La vie est bien triste sans un minimum d'attention, n'est-ce pas ?"
- "Ca dépend. Qui est à l'appareil ?"
- "Juste un homme qui t'observe depuis longtemps, et qui trouve que tu te poses trop de questions."
- "Dis-moi qui je suis réellement, et je ne m'en poserai plus."
- "Ca ne marche pas comme ça, old man. Au contraire, tu devrais abandonner cette quête qui n'aboutira à rien. Oublie Gekko, il n'est qu'une pièce que l'on sacrifie sur un échiquier bien trop grand pour toi."
- "Qu'en sais-tu ?"
- "Il n'est qu'un faux-semblant, un mirage. Pourquoi, à ton avis, tu n'arrives pas à retrouver sa trace, lui qui est censé être un magnat de la Bourse ? Un requin des finances adepte des médias ?"
- "Tu sembles en savoir beaucoup sur lui."
- "Suffisamment pour te dire d'arrêter avant de t'embourber dans une affaire qui te dépasse. Mais si tu persistes à retrouver la mémoire, pose-toi cette question : qu'adviendront tes souvenirs datant d'après ta perte de mémoire ? Vas-tu les rejeter lorsque tu découvriras qui tu es réellement ? Après tout, d'après toi, ce n'est pas ton existence, mais un faux nom. Et si ce que tu vas découvrir est bien pire que ce que tu as vécu jusqu'à présent en tant qu'Allan ?"
- "Ca ne te regarde pas."
- "Au contraire, old man. Cela me concerne au premier plan, car j'ai prévu quelque chose pour toi. Une proposition que tu ne pourras pas refuser. Je te recontacterai, mais jusqu'à mon prochain coup de fil, réfléchis bien. Ta vraie identité, ton vrai "toi", est-il aussi taré et psychopathe qu'Alicia ?"
- "Comment tu..."
Il a raccroché.
Cette voix, je l'ai déjà entendue quelque part. Où ? Quand ? J'essaie de ressasser toutes les personnes qui me sont connues, des proches - si on peut les dénommer ainsi - mais aucun nom ne me vient à l'esprit. Une personnalité connue ? Je n'ai que trop peu d'information, juste une voix vaguement familière. Cette intonation si sûre, si confiante avec ce petit quelque chose de sauvagerie parfaitement maîtrisée. Un homme qui savait ce qu'il disait, qui allait droit au but. On aurait même dit qu'il adorait la situation dans laquelle je suis. Il semble aussi aimer remuer le couteau dans la plaie. Pour la bonne cause ?
Ses paroles, pourtant, restent sensées. Une fois encore, mon esprit bouillonne de questions. Je reste ainsi, à l'intérieur de mon véhicule, essayant de me trouver une bonne raison pour partir et reprendre cette vie d'errance et de traque.
prochaine étape, la maison. J'aurai alors toute la nuit pour réfléchir et prendre une décision.