Chapitre 24

Maintenant, elle est au courant.
Maintenant nous devons nous méfier de tout.
La routine, en fin de compte.


Je prépare mes dernières affaires, je range ma ceinture durement gagnée. La fédération ferme ses portes sans un au-revoir autre que cette lettre remise à tous les lutteurs. Je la lirai plus tard.
Je ferme la porte de ma loge, je foule les couloirs de la FWE pour la dernière fois. Un couloir vide, sans âme, fade aux murs gris, sans vie. Mélancolie et triste fin d'une aventure qui avait pourtant bien commencé. Trop bien, possible. En fait, je me fiche bien de ce qui a bien pu arriver. Mon contrat avec la compagnie a expiré le jour où elle s'est effondrée. Une chaîne brisée, une liberté retrouvée. En partie.

Une fois franchi le seuil de l'entrée du building, je sens des vibrations au niveau d'une des poches de mon manteau. Un appel téléphonique, numéro inconnu. Rien d'étonnant.

Alpha : Allô ?

??? : Bonjour, Allan.

Alpha : Allons donc. Que voulez-vous ?

Mr. A : En voilà une manière d'accueillir un ami.

Alpha : Dites-moi qui vous êtes et peut-être que je ferai un effort. Mieux, dites-moi qui je suis réellement. Je sais que vous avez ces informations.

Mr. A : Il est encore trop tôt, Allan. Pour votre sécurité et celle d'Alicia, il vaut mieux que vous en sachiez le moins possible. Vous devez le découvrir par vous-mêmes.

Alpha : Tout ce que je sais, c'est que nous sommes plusieurs à être subitement amnésiques. Et que l'un d'eux a été assassiné. Qui veut nous abattre ?

Mr. A : Vous trouverez vos réponses à l'endroit dont je vous ai donné l'adresse. Ne soyez pas en retard, il en va de votre avenir à tous les deux.
Alpha : Votre adresse est bidon, Il n'y a aucune rue du nom de Northwood, ni même un nom s'en approchant. Qui me dit que vous n'êtes pas en train de me mener en bateau pour gagner du temps ?

Mr. A : Vous vous répétez également. Cette adresse est bonne… d'une certaine manière. Je ne m'amuserai pas à vous téléphoner ou à vous tracer une piste à suivre truffée d'informations pour le simple plaisir de vous nuire. Je n'ai pas besoin de tout cela pour ce faire.

Alpha : Est-ce une menace que vous me faites ?

Mr. A : Je vous replace simplement dans le contexte. Et ce contexte fait que sans mon aide, vous ne pouvez pas avancer, quelle que soit votre volonté de vouloir comprendre et savoir. Votre mémoire même vous en empêche et même si je le pouvais, vous dire qui vous êtes maintenant ne vous aidera pas à vous remémorer.

Tout était fait pour me remettre en question, m'engloutir dans mes doutes, me faire hésiter. Je ne sais plus quoi penser, quoi faire, quoi prendre. Mais une chose sonnait comme une vérité vraie dans ses propos : me dire un nom ne déclenchera pas forcément un rappel de mes souvenirs cachés.

Alpha : Que vais-je trouver là-bas ?

Mr. A : L'un de vous. Vous avez une autre chance, peut-être la dernière. Soyez là-bas demain même heure. Il sera présent. En espérant qu'il n'est pas trop tard…

Trop tard pour répliquer, il a raccroché. Comme d'habitude, je le maudis de ne pas m'en dire davantage. Mais au moins je ressens une certaine satisfaction malgré la frustration de ne toujours pas connaître mon interlocuteur : j'avance d'un pas vers des réponses. Reste à trouver cet autre Alpha, et surtout décrypter cette satanée adresse. Quelle est encore cette énigme ? Pourquoi ne pas me fournir des infos directes et fiables plutôt que des casse-têtes à résoudre ?

Et trop tard pour quoi ?

Je compose son numéro.

Alpha : Alicia ? C'est moi.


Elle dort profondément, moi non.
Toute cette histoire me tracasse à n'en plus trouver le sommeil. Cet ange gardien, la lettre A, les tatouages, ces indices au compte-goutte. Et dans tout ce maëlstrom, le nom de Gekko ressort encore, toujours, comme une sangsue que l'on ne peut enlever sans causer de dommages irréversibles. Il y a quelques jours encore, il a fait parler de lui, et m'a visé dans ses propos. Qu'ai-je donc à gagner de répondre à un discours rempli de haine et de frustration, tout cela à cause d'une seule défaite ? Rien, sinon de m'embourber dans une situation à laquelle je ne pourrai probablement jamais en sortir. Mais au bout, peut-être des réponses à ces questions qui me taraudent sur cet homme, cet individu qui m'inspire de la colère, de la rage intérieure… de la haine ? Je ne sais pas d'où vient cette obsession, ni pourquoi, tout comme je ne sais pas ce qui m'a poussé à suivre les instructions notifiées dans cette dernière lettre de la FWE. Du moins au début.

J'y suis allé, j'ai vu, mais rien de plus. Ce n'est pas mon combat, pas tant que j'y trouve mon compte, ou des réponses.

Et cette adresse… "Bonne, d'une certaine manière". Qu'est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ?

Demain, à la première heure, je dois trouver.